En moins de 12km…
Ah tiens enfin quelqu’un qui m’a vu dans le talus… puis je vois Romain, Bertrand, Félicie téléphoner au dessus de moi en cherchant à préciser où nous sommes… des mecs que je ne connais pas qui viennent en cadors de secourisme, limite à me tomber dessus en me chevauchant, me pose des question con, me parle comme à un débile à la MIB et commencent à me tripoter et palper mes poches… allez, j’ai rien… tendez-moi la main on tire et on se casse… j’entends les sirènes des pompiers qui arrivent au loin… mon dieu c’est pas vrai ! Le mec en question m’aide à enlever mes gants me prétextant que les pompiers couperont, le gauche part sans problème quant au droit, pfiouuu impossible de tirer dessus… et merde… luxation de l’épaule je pense…
Ce sera mon premier CR sans photo et rédigé avec quelques jours de retard…
Le mardi 2 août 2006, mes amis passent me chercher pour aller casser une croûte dans le coin et boire un petit verre qui va avec… je donne l’idée d’aller sur Cancale parce que la route est vraiment très sympa… j’étais super content de démarrer le Z enfin terminé avec ses Rizo et son Akra qui clac vraiment bien comme il faut… j’ouvre la piste pour indiquer la route avec surveillance dans les rétroviseurs toutes les 10 secondes pour savoir si tout le monde suit malgré les feux rouges, ronds points et autres intersections… j’ai horreur d’ouvrir, c’est un stress permanent…nous sortons de Saint-Malo et les premiers petit virages se passent bien, mais je me rends compte que le groupe se divise malgré la courte distance déjà effectuée… ça me stresse un peu car sur Saint Coulomb il y a un changement de direction… prochain lieux de rendez-vous : la station essence en bout de route…
En sortant de Saint Coulomb, je me retrouve en milieu de cortège et guette d’avantage mes rétro pour savoir s’ils ont bien pris la bonne direction. Je ne perçois pas de phares dans mes machins qui vibrent à tous régimes, merci Kawa… alors je me retourne, avec la main gauche posée sur la selle passager tout en accélérant doucement ce second rapport car je voulais fermer la marche pour n’oublier personne…je vois enfin les camarades derrière en me retournant plusieurs fois et leurs faisais signe de me doubler en restant bien sur le bas côté de la chaussée… tout d’un coup je lève la tête et m’aperçois que le virage arrive plus vite que je l’avais imaginer malgré mon impression d’avoir la situation main, car je me préoccupais plus de ce qui se passait derrière que devant… réflexe con mais j’écrase le frein arrière espérant freiner suffisamment pour enfiler ces premiers virages qui arrivent vite alors que je dois être à 60 / 70km… l’arrière tamponne immédiatement, je lâche et refreine de plus belle en ajoutant l’avant qui à peine actionné glisse sur les graviers du bas côté de la chaussée et me voici rendu sur l’herbe… alors qu’en auto un simple coup de volant aurai suffi pour remettre la situation en sécurité quitte à avoir le cœur qui bats forts quelques minutes après ici la situation est un peu différente dès lors que l’on a que deux roues… me dernière vision sera un talus bien fourni avec de belles mottes bien vertes… « Putain, mais c’est pas vrai, je vais me viander comme un con ! »
Et là du gros bruit dans le casque, grosse vibration genre un type vous secoue dans tous les sens, la visière se ferme nette et je me laisse aller en espérant que ça na dur pas trop longtemps… j’imaginais me relever dans la foulée quoi vu la vitesse ! les mêmes sensations que lorsqu’on se laisse dérouler le long d’une pente assez anguleuse avec le champs de vision qui ne peut rester fixe sur un point précis, on se serait cru dans un calque de floue de Photoshop… j’ai du faire une belle galipette… premier choc sur le genoux gauche où finalement je n’aurais qu’un bleu mais je pensais l’avoir frotté, il m’a fait rappeler sa présence pendant la chute… le second choc s’exprimait surtout par le fait que je n’entendais que le Z au point neutre à côté de moi c’est durant ces quelques secondes où j’ai bien eu du mal à comprendre ce qui m’arrivait vraiment… le ciel bleu et les nuages passaient au dessus de moi, l’herbe faisait le contour du tunnel de mon champ de vision avec le casque… me voici sur le dos au fond du fossé !
Bon, orteils gauche ok… orteils droits ok… main gauche et droite ok ! J’arrive également à bouger la nuque… ça va, je vais me relever et on repart, seulement je ne peux me lever étant si bien tassé dans ce fossé… j’attends qu’on vienne me tendre la main et ho hiss…
Quelques longues minutes passent, je respire calmement et je commence à entendre du bruit autour de moi…
« Monsieur, vous m’entendez ? »
Ah tiens enfin quelqu’un qui m’a vu dans le talus… puis je vois Romain, Bertrand, Félicie téléphoner au dessus de moi en cherchant à préciser où nous sommes… des mecs que je ne connais pas qui viennent en cadors de secourisme, limite à me tomber dessus en me chevauchant, me pose des question con, me parle comme à un débile à la MIB et commencent à me tripoter et palper mes poches… allez, j’ai rien… tendez-moi la main on tire et on se casse… j’entends les sirènes des pompiers qui arrivent au loin… mon dieu c’est pas vrai ! Le mec en question m’aide à enlever mes gants me prétextant que les pompiers couperont, le gauche part sans problème quant au droit, pfiouuu impossible de tirer dessus… et merde… luxation de l’épaule je pense…
Les pompiers sont en place et me questionnent, un bon contact se met en place. Ils sont très compréhensif et malgré le fait que je les un peu brutaux, ils sont en fait tout l’inverse si j’en crois ce que me raconte les autres… Ils n’en reviennent pas comment je suis bien enfoncé dans le fond du fossé, du coup pour faire passer la planche sous moi, pas évident…1, 2 et 3… mes chaussures se lèvent, mon pantalon aussi et mon blouson me servent de support, seulement mon épaule droite me fait littéralement hurler de douleur… une douleurs indéfinissable… un peu comme une méga crampe titanisant les muscles et qui font hurler dès qu’on y touche et encore en me relisant ça me semble bien faible comme image… on n’est plus maître de son bras, alors avec l’autre on le maintient comme on peut en serrant les mains entre elles… je reste persuadé qu’il s’agit d’une luxation comme le laisse présager les pompiers…
La porte de la camionnette se referme tout juste sur mes pieds et ils mettent du temps à partir. Je suis hyper tendu et mes muscles se tendent par fractions de seconde et lorsqu’elles arrivent au bras droit je douille tellement qu’il m’est impossible de verser une larme. Cette douleur intense m’obstine puis en direction de l’hôpital chaque trou me tapaient dans l’épaule et chaque petits virage devenaient un supplice… les grandes courbes me tassaient dans ma coquille, horrible cette camionnette de la guerre, j’étais heureux de glisser sur le brancard à roulette des urgences…
Et là premier interrogatoire par le médecin des urgences qui à priori n’aime pas vraiment les motards. Je m’en prends plein les dents comme si j’avais tué un enfant ou commis le meurtre de son mari. J’ai bien cru un moment qu’elle avait envie de se foutre de moi en prétextant que ce qui m’arrivait était de ma faute, je n’avais qu’à ne pas rouler un moto, trop dangereuse à ses yeux… ils voulait absolument sauver mon blouson… moi je m’en tape c’est assuré alors plutôt que de me faire du mal, coupez… non non, ils insistent et prétexte que de toute manière il ne s’agit que d’une luxation de l’épaule comme le présageait les pompiers.
Ils me mettent un masque contenant un gaz qui sent la fraise et qui assèche la bouche dès la première bouffée… j’ai l’impression d’étouffer du fait que ce gaz shoot littéralement. On se retrouve face à sa conscience en fait, la petite voix qui vous parle dans la tête, tout le reste est incontrôlable et insensible. Petite crise d’angoisse, j’ai cru un moment y rester alors que je les entendais entre eux parler des problèmes de vacances de Monique et de je ne sais qui… ça ragotait et vu la pression que le médecin m’avait mise d’entrée de jeux, j’étais limite en confiance… puis à chaque inspiration, je m’évadais d’avantage, non pas que je dormais car nous sommes conscient des bruits aux alentours, simplement plus ça allait moins je pouvais exprimer entre autre… tout d’un coup, je sens qu’ils retirent mon gant droit avec autant de facilité que d’enlever mes chaussettes… j’ai bien compris à ce moment là que j’étais bien HS… ça crac, c’est brutal et précis. Chaque geste est effectué avec délicatesse mais dextérité. Ma manche gauche est enlevée. Lors de la droite, je sentais des douleurs se comparant à des aiguilles lointaines et mes gémissements les inquiétaient… puis en une fraction de seconde je perds littéralement le contrôle… j’ouvre les yeux, c’était terminé j’étais en t-shirt tremblant, la douleurs étaient revenue…
Après quelques radios j’apprends qu’il va falloir faire un scanner mais que le mec ne veut me prendre ce soir, faudra attendre le lendemain. Ils m’ont fait peur avec leurs histoires de prothèse et j’en passe… heureusement, Cédric et Cyrille sont arrivés pour me soutenir, vous n’imaginez pas comment à cet instant l’amitié prend une toute autre tournure…
On m’envoie en traumatologie où je suis reçu par deux créatures de rêve, malheureusement aussi gentille que délicates aussi bien dans leurs paroles que leurs manipulations. En me transvasant vers mon lit elle me tire sur l’épaule droite pendant que l’autre me pousse sur l’épaule gauche… j’ai hurlé, encore plus fort qu’avec les pompiers, comme premier accueil je m’attendais à mieux. « Oh, vous n’allez pas commencer à vous plaindre ? » comme premier mot d’accueil ! mhhh, j’ai vu mieux… puis en partant de la chambre le petit qui fait toujours plaisir : « encore un motard »…
Aussi surprenant qu’il soit, je passe une relative bonne nuitée. Le petit déjeuner arrive et on me pose le bol sur la tablette ainsi que les tartines et le 10g de président… « Vous ne mangez pas ? » même pas le temps d’argument sur ma situation que tout avait déjà disparu…
Après une opération chirurgicale me voici maintenant bionique avec mon cousin l’homme de fer… deux gros clous dans l’humérus droit côté épaule. 24 agrafes et le bras près du corps plié dans un espèce de gilet en coton. Je bouge les doigts des deux mains c’est déjà ça et je récupère petit à petit mes sensations… résultats des courses : multi fracture de humérus droit et omoplate gauche cassée. 120 jours d’ITT + rééducation. Me voici bien avancé maintenant.
Pour info, j’ai rédigé ce petit CR (si je puis dire) en deux parties : 1 x 2h30 et 1 x 1h30. Je ne peux aujourd’hui me servir que de ma main gauche même si son omoplate me fait stopper régulièrement. Ecrire avec le bras en lévitation demande un gros effort et me met en sueur au bout d’un moment. Je ne peux dormir que sur le dos, droit, nuque bien posée. Au bout de 3h on se lève rien que pour changer un peu de position et la reprendre aussitôt après. Les nuits sont dures. Les journées aussi : impossible de transporter la moindre bouteille d’eau ou objet lourd (le téléphone de maison étant le maximum), de la dévisser ou d’ouvrir un yogourt sans prendre le risque d’en foutre partout. Je vous laisse imaginer certaines situations où les deux mains sont indispensables alors à une… Chaque déplacement demande des calcules d’angle et entretenir une conversation m’épuise au bout de 40 / 50mn aujourd’hui…
Voilà, je vais conclure en vous proposant un petit RB bien sympa à partir du printemps prochain, et en attendant j’espère pouvoir maintenir ma « BBQ party » en septembre suivant mon état, même si je sais très bien que je peux compter sur votre aide en cas de coups durs… vous venez de me le démontrer, je pense donc que ce ne sera pas un BBQ qui nous freinera… et n’oubliez pas, comme disent les « Domino’s Trainers » : prudence !