Il fallait du beau temps, une matinée tranquille pour ne pas être dans les bouchons, un peu d’essence et des routes sinueuses… je crois que tous les ingrédients d’un essai réussi étaient là… la preuve !
Petit à petit je prends conscience que l’objectif à moto c’est un maximum de sensation sans forcément pousser les moteurs aux bords de leurs limites. Pas de mystère, il faut un maximum de couple le plus tôt possible surtout si l’on roule à deux. Évidemment que l’on pense aux bi et tri cylindres, encore faut il adhérer à la philosophie et j’avoue ne jamais avoir réussi à trouver le compromis idéal entre moteur / position de conduite / plaisir de conduite… seulement j’avais pour souvenir d’une certaine 1098 qui se conduisait comme un 4 cylindres ou presque et offrait pas mal de sensations…
Comme par magie, Ducati m’a écouté et m’envoie en pleine face, presque hautainement : la StreetFighter S ! Un moteur et un châssis de pure sportive italienne dans un look de roadster à l’américaine, une gueule d’enfer sous une finition correcte… voilà la réponse des italiens dans le domaine du « plein les yeux » ou « m’as-tu vu » où seul à son guidon, l’on prend réellement conscience des possibilités de la bête ! Alors j’avoue ne pas du tout aimer son nom que je trouve ridicule… pourquoi américaniser un concept 100% italien ? Pourquoi ne pas lui avoir collé le nom de « El Diablo » ? Ou simplement 1098 Naked ? Après évidemment, tout comme les Café Racer, le StreetFighter est une philosophie entière, mais je trouve ça tellement stupide de lui coller un tel nom quand on connaît un peu la bête… un détail…
Racée, profilée, agressive ! Cette moto ramassée sur elle-même en offre déjà beaucoup rien qu’à l’arrêt. On s’arrête forcément, on la regarde, on tourne autour… chaque détail interpelle, chaque matériels utilisés en laisse supposer long… 168kg / 155cv en version libre… quasiment un cheval du kilo ! Un empattement court, un guidon droit, un freinage Brembo ! Gazzz !!!
Différentes pièces carbone dessine encore mieux l’ensemble de la structure. De coloris rouge ou noir pour la version S avec un cadre bronze, des jantes allégées Marchesini 5 branches et les suspensions Ohlins et le système d’acquisition de données USB, voici comment on peut reconnaître cette version ultime frisant avec les 18700 euros. Avec un cadre noir, de couleur rouge ou blanche voici comment on peut reconnaître la version standard déjà à près de 14990 euros pièce !
Le plus déroutant c’est le tableau de bord. Pourtant complet, j’avoue avoir du mal avec le compte tour. Sous forme de barres verticales, on ne voit pas grand-chose sous ce compteur qui me fait penser à une grosse calculatrice. Il faut chercher du regard la vitesse qui est écrite toute petite par rapport à la référence pour moi, le GSXR 1000 K9… la StreetFighter S dispose d’un système appelé DTC (les vilaines langues ça suffit, lol) ce qui veut dire « Ducati Traction Control », accentue l’application de la course à la production, et démontre comment des solutions développées pour la compétition peuvent être utilisées pour améliorer la sécurité sur la route. Ce système permet en outre sur une graduation de 1 à 8 (niveau de sensibilité) de gérer la force à la roue arrière. Conséquences : impossible de faire des Wheeling et autre « Stopies ». Sur l’angle on peut ouvrir en grand, dès que la roue arrière perd l’adhérence, l’électronique prend le relais et régule la force de traction tout seul… deux diodes sur le tableau de bord clignote durant ce temps… personnellement, je ne roule pas assez fort pour que ça me soit utile… effectivement sur le niveau 8 ça clignote sur le tableau de bord, mais alors la moindre bosse déclenche le principe…
Seuls les rétroviseurs me choquent en ce qui concerne l’esthétique. Pourtant ils s’avèrent très corrects et même mieux, on voit quelque chose dedans 😉 ils sont pourtant vilain et tout en plastique, j’opterais d’avantage pour des rétroviseurs métal… bon après le fameux phare qui fait penser à la FZ6 ou ou à la MV Agusta Brutal… ça peut effectivement porter à discussion, mais entre nous la MV Agusta n’a rien de terrible niveau esthétique… peu anguleuse, elle n’a pas cette StreetFighter à rougir devant la concurrence… question de goûts !
3 détails qui tuent, en plus de la jante, et qui veulent en dire long sur cette StreetFighter S : freinage Brembo, suspension Ohlins et de nombreuses pièces carbone pour le poids et la finition globale !
La clé sur position on, l’injection se déclenche et alors à l’extinction des diodes sur le tableau de bord on peut déclencher la mise en marche. Le système de mise en marche est sous le coupe contact. Impossible alors de ne pas y penser si un petit malin pense à vous faire une petite blague de ce genre. Un détail certes, mais un détail intéressant niveau ergonomie.
L’ensemble de la bête se met alors à gigoter de biais sous un son plus que rauque bien virile, vibrant de partout et où l’on se demande si ça fait plus de bruit devant ou derrière tellement que ce son emblématique Ducati nous offre la banane sans même être monté dessus.
J’avouerais même que durant ma séance photo, à l’étang de Melesse, quelques pêcheurs autour se demandaient ce que je venais faire là alors qu’ils étaient peinards sur le bord, cane à pêche à la main et sous le rythme incessant des chants d’oiseaux en cette merveilleuse journée de printemps. Je me glissais un peu plus loin au bord de l’étang en roue libre sous un « plok plok plok plok » de la Ducati qui raisonnait au loin… après avoir pris les quelques photos et la petite vidéo ici présente, entre la gène du bordel qu’elle fait et la fierté d’être à son bord… je n’ai pas mis 5min à partir car je ne voulais pas les déranger… autant avec un GSX-R et son feulement de guêpe à l’arrêt ils ne m’auraient même pas remarqué vu la distance qui nous séparait. Autant là, dès la mise en contact, ils se sont tous tournés vers moi en se demandant ce que je faisais là à prendre une moto en photo 😉 voilà pour l’anecdote…
Prenez la position de conduite d’un Bandit (650 / 1250) ou d’un Mostro. Tout en laissant la moto horizontale, basculez la position de conduite de 15° vers l’avant. Vous voici à bord du StreetFighter. Ni trop droit, ni trop sur l’avant. Du haut de mes 183cm, je me sens tout de suite à l’aise. Bon seul un détail me gène en fait. Ma botte droite glisse constamment du repose pied. En fait, j’aime bien être sur la pointe du pied dans je roule, talon vers l’intérieur. Bien ici, impossible car le double pot ressort près du repose pied ainsi nous devons tourner le pied vers l’extérieur légèrement au niveau du talon. Je ne chausse que du 44, mais je n’ose imaginer les grands pieds. Rien de pénalisant, sauf qu’au départ, on regarde le repose pied pour comprendre. On s’y habitue vite et la pédale de frein tombe facilement sous le pied.
Un autre détail pénible c’est les clignotants. Pourquoi n’ont-ils pas mis un système aussi bête et méchant que sur les Suzuki ? Ici le poussoir est difficile d’accès et parfois, alors que l’on pense avoir arrêté les clignotants, ils sont toujours en action. C’est agaçant et ce sera le plus gros point faible de l’ergonomie de l’ensemble. C’est pourtant simple de mettre un comodo tout ce qu’il y a de plus bête ! Tout le reste est top : accès aux informations de l’ordinateur de bord, aux différents Trip, à l’heure…
La boite de vitesse est souple, précise et s’enclenche rapidement. Tellement rapidement qu’au final on peut ouvrir en grand sur le tirage rapide et passer les vitesses à la volée, de plus on sait qu’au pire le DTC surveille (mouarf !), donc on peut y aller tranquille. On s’élance alors vers une poussée de couple comme j’ai rarement ressenti à bord d’une moto. Plus que de tirer sur les bras ou de pousser dans le dos, on a carrément l’impression que ça pousse sous la moto… quelle étrange sensation !
Et c’est à cet instant précis que la magie Ducati opère et vous fait apprécier la moto… c’est là, maintenant à cet instant précis que l’on remet en question tout ce qu’on aime à moto, toutes les motivations d’achat, là où même les petits défauts ne sont plus finalement que des détails… tellement que je n’ai jamais ressenti de pareilles choses au guidon d’une moto !!! C’est vrai que ça vibre, c’est vrai que le pied droit est légèrement de traviole, c’est vrai que le comodo de clignotant est pénible, c’est vrai qu’on en prend plein la gueule et qu’au-delà de 150 ça devient infernal !!! Et alors ? 😉 C’est là qu’on se rappelle de ces vieux motards qui nous parlait de caractère, de plaisir à sentir la moto vivre, de sentir la moto ne faire qu’un avec son pilote… et soudainement un virage arrive au loin… on se laisse emporter par la belle à le prendre pleinement sous une banane de folie, un son de dieu et une facilité déconcertante… mais merde quoi… 18700 euros c’est quoi dans toute une vie ?
Tout ça sous un son de folie, limite un feulement de sportive au dessus de 8000tr/mn… c’est grisant et rudement bandant ! franchement… en décélération, le moteur émet alors des compressions qui laissent sortir par les pots de nombreux sursauts de couple qui émet une sonorité propre à Ducati… cette dernière fait tourner les têtes sur les bas côtés de la route mais aussi dans les autos que l’on remonte dans les files avant le feux rouge… L’embrayage est difficile à maitrise au départ, tout comme le mordant du frein avant. Manquant totalement de feeling, il a un mordant sans égaux. Ça freine fort quoi ! Deux doigts suffisent à arrêter l’ensemble même à vive allure… un must, mais faut s’y attendre !
La conduite à son bord est facile. Le rythme imposé par la sonorité est finalement trompeuse. Je me suis laissé avoir à plusieurs reprises à penser rouler bien au dessus de la vitesse à laquelle je pensais être. Sur le GSX-R 750 ou 1000 ou pousse légèrement la 3 et on se trouve immédiatement bien au dessus de la vitesse réglementaire… ici on pousse la 3 franchement, on en prend plein la poire… hop un petit coup d’œil sur le compteur… ça va… 130km/h… je me serais pourtant cru à 200 comme sur un GSX-R… c’est aussi ça le gros point fort de ce StreetFighter : les sensations à son guidon sont énormes… bon point (façon de parler justement) pour le permis même si évidemment on roule encore un peu au dessus des limitations, mais disons qu’on en prend plein les dents rapidement ce qui freine un peu notre élan !
Voilà, j’arrive au bout de cet essai. Je suis vraiment enjoué par cette moto qui pour moi flirte avec l’emblématique marque Ferrari. Alors évidemment est-ce fiable ? Peut-on rouler au quotidien à bord ? Ça consomme ? Je ne saurais dire… mais quand on roule sur une Ducati je pense que certains critère qui entre en compte sur une japonaise n’existent plus ici chez les Italiens à commencer par les vibrations, les petits défauts d’ergonomie, la consommation… ici c’est le plaisir avant tout !
Une bonne note à savoir, l’entretien s’effectue autour des 350 / 400 euros… mais tous les 12000km… et la grosse monte vers les 750 euros mais c’est fini les intermédiaires qui ne servent à rien selon le concessionnaire… soit disant que les révisions tous les 6000km servent uniquement à faire tourner les ateliers… no comment sur la polémique ! Moi, les révisions tous les 12000km, ça me convient bien !
Allez, j’avoue, nous avons fait un second essai par la suite en duo avec So car je suis vraiment tombé sous le charme de cette Ducati StreetFighter lors de mon essai solo. Voici donc le strapontin, fourni d’origine, qui fait office de selle pour le petit fessier (fort heureusement) de ma chérie. Hautement perchée au final, jambe relativement bien repliée, de grosses vibrations dans les reposes pieds… So n’a pas trop apprécié le baptême de route à son bord… c’est la hache qui coupe la bûche car je m’y voyais déjà moi !
Difficile de faire des choix parfois, entre la familiale full option et le coupé sport… nous sommes ici en plein dedans… combien d’opportunité dans la vie avons-nous à rouler sur des machines d’exception ? Des machines de rêves où rien qu’en ouvrant le garage la banane est là, rien qu’en la mettant en marche finalement on se rend si loin ? Ou finalement dès les premiers mètres on a l’impression d’avoir parcouru la terre entière ? Je rêvais de rouler en décapotable y’a encore peu… aujourd’hui, mon rêve serait de rouler sur une sportive décapotée rouge… italienne… qui sait… un jour peut être…